Les balaneions grecs ou les prémices du bain collectif
Alors qu’on attribue volontiers la création des bains aux romains, ce n’est pas tout à fait vrai. Les premiers bains collectifs sont en fait apparus en Grèce vers le 5ème siècle avant J.C. Appelés « balanéïons », ces bains grecs sont longtemps restés méconnus car éclipsés par le nombre et l’aura des termes romains. Un premier pas vers plus d’hygiène En véritable précurseurs, les grecs ont pressenti très tôt les bienfaits de l’eau pour le corps. Dans l’Antiquité, il était rare qu’un foyer possède sa propre salle d’eau. Ce privilège était réservé à une élite pouvant se permettre un tel luxe. Les bains publics et collectifs se sont donc rapidement démocratisés. Si aujourd’hui le bain suggère l’usage d’une baignoire ou d’une douche, ce n’était pas le cas à l’époque. Après s’être rincés à grand renfort d’eau chaude, les grecs s’enduisaient d’huile qu’ils raclaient à l’aide d’une spatule appelée strigile. A l’origine, cette invention avait donc un caractère utilitaire : assurer certaines exigences sanitaires. L’apparition des bains en Grèce n’est pas un pur hasard, elle intervient dans un contexte précis. Les mœurs de cette civilisation étaient bien différentes des notres notamment dans le rapport au corps : la nudité était mieux acceptée. Les bains s’inscrivaient ainsi dans la lignée des pratiques liées au culte du corps. Les balanéïons ne sont cependant pas longtemps restés des lieux uniquement dédiés à l’hygiène. Au fil du temps ils se sont enrichis de structures de soins liées à la détente. Outre se laver, il était également possible de bénéficier de massages ou de cures diverses.
Des innovations thermales majeures Au-delà d’une avancée dans le domaine de l’hygiène, les bains hellénistes ont également été l’occasion de prouesses architecturales et techniques. Les bâtiments semblent avoir tous été construits sur un modèle similaire : une grande salle appelée « tholos » dans laquelle étaient disposées en rond une vingtaine de cuves individuelles, les « pyelos ». Dans ces sortes de grands sièges, la toilette était individuelle et se faisait en position assise. Les baigneurs n’étaient cependant pas coupés les uns des autres et pouvaient discuter. A cela s’ajoutait parfois de petits bassins, les « loutérions », et des salles dédiées aux bains avec des baignoires dites de délassement. A l’image des complexes balnéaires actuels, il y avait déjà des vestiaires et des salles d’attente. Avec les bains, se pose la question du chauffage. Les vestiges découverts se font les témoins de l’ingéniosité grecque : des conduits souterrains servaient à maintenir l’eau à la bonne température et chauffer les salles. Ainsi on retrouve des systèmes de tuyaux non seulement dans le sol mais aussi dans les murs.
Un lieu de rencontre et d’échange Les bains n’étaient pas seulement un espace de détente, c’était aussi un lieu de rencontre. Au fil du temps les balanéïons se sont élevés au rang de pratique sociale à part entière avec ses codes. On sait par exemple que les hommes et les femmes n’étaient pas nécessairement séparés. Pour les structures les plus importantes, des salles distinctes étaient construites. Dans le cas contraire, la séparation pouvait s’opérer par des horaires distincts dédiés aux deux sexes. Cependant les archéologues s’accordent à dire que les édifices ont pu être mixtes. Véritables lieux de vie, des documents retrouvés en Egypte font état de situations cocasses. Si la plupart du temps l’ambiance était à la convivialité, il arrivait que des incidents éclatent : querelles, vols, voire même bagarres. A l’image de la place publique, les bains étaient un lieu important de la vie sociale. Toutes les strates de la société s’y rencontraient et s’y côtoyaient. Une pratique qui séduit Le modèle helléniste s’étend avec les conquêtes d’Alexandre le Grand. Le roi fait découvrir les bains aux contrées conquises et favorise leur expansion. On voit alors apparaitre trois grandes tendances d’évolution : – En Occident et principalement en Sicile, les systèmes de chauffage de l’eau se développent beaucoup avec la construction de grands bassins à l’image de nos piscines chauffées actuelles. – En Grèce le modèle évolue lui aussi mais différemment. Là où les bains rassemblaient les citoyens, la pratique individuelle devient prédominante avec la mise en place d’espaces fermés. – L’engouement pour les bains traverse la Méditerranée et les égyptiens les adoptent rapidement. On retrouve de nombreux vestiges notamment à Karnak qui témoignent de l’influence grecque. Ainsi il n’est pas étonnant de voir que les égyptiens se mettent eux aussi progressivement à préférer les bains individuels. De manière générale, on assiste avec les balanéïons à une amélioration des conditions d’hygiène des populations. Le bain devient un rituel social et de détente. Les exigences sanitaires passent alors au second plan au profit de la recherche du bien être. La transition vers les thermes romains est amorcée. Crédit photos : S. K. Lucore et CNRS CFEETK
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